Assise dans sa chambre, la jeune Capucine fixe le lit vide de sa demi-sœur. Vide pour toujours. Elle vient de partir. Comment est-ce juste possible ? La petite brune se le demande encore. Les larmes perlent au coin de ses yeux alors qu’elle revit la scène qui s’était déroulée quelques instants plus tôt. Capucine ne veut qu’une chose, se réveiller de ce cauchemar. Sa sœur allait entrer d’un coup dans leur chambre et lui raconter toute sorte de choses et surtout, elles allaient rire. Oui, rire. Pour l’instant, la brune en est loin. Sur ses joues, les larmes laissent des traces humides. La douleur est trop vive. Comment sa sœur a-t-elle pu l’abandonner ? N’étaient-elles pas liées pour toujours ? Lorsqu’elle avait vu sa demi-sœur la première fois, Capucine n’avait pas voulu lui parler. Elle n’avait pas envie de partager sa maman avec cette intruse. Pire que ça, elles avaient été mises dans la même chambre. Cette chambre qu’elle trouve vide aujourd’hui, sept années plus tard. Une rencontre difficile, des années affreuses. Capucine avait été infecte avec cette petite fille qui n’avait rien demandé. A présent, elle s’en veut. Elle aurait dû être plus gentille avec elle, plus accueillante… Mais elle était petite. Peu consciente de ce qui était réellement bien ou non. Pourtant les choses s’étaient arrangées avec les années, les deux petites filles s’étaient apprivoisées et finalement, Capucine avait baissé sa garde face à celle qu’elle haïssait sans même la connaitre. En fixant le lit vide de sa sœur, la brunette pleure plus fort. Après tout ce qu’elles ont partagé, sa sœur est partie, elle l'a abandonnée. Vivement, Capucine se précipite sur le lit opposé au sien et attrape les affaires qui traînent pour les jeter par terre. « J’TE DÉTESTE !! » Hurlant comme une folle, la gamine se démène à tout lancer par terre jusqu’à épuisement. Impuissante, sa mère vient près d’elle et la prend dans ses bras alors qu’elle s’écroule par terre. « J’la déteste maman. Elle avait pas l’droit… » Silencieuse, la mère ne prononce aucun mot. Elle sait qu’elle sera incapable de consoler sa fille. Au fond, elle est inquiète et extrêmement triste elle aussi. Leur famille recomposée vient de voler en éclat. Capucine qui n’avait pas voulu de cette fille pour sœur se retrouve à présent à la pleurer comme si elle ne pouvait plus s’en passer.

L’absence pèse. L’absence change les gens. Capucine n’a pas échappé à cette règle. Les années sont passées mais elle a fini par se relever. La peine est toujours présente mais la brune s’est fait une raison. Elle ne reviendra jamais. Presque dix ans qu’elle est partie. Pourtant, elle n’a jamais oublié son visage. Pas besoin de regarder des photos pour s’en rappeler. Elle est gravée en elle à jamais. Plus fort que le lien du sang, Capucine aime cette fille comme si elle était son double. Pourtant, elle s’est résignée et finalement, une colère sous-jacente a pris place petit à petit. Elle n’a jamais compris pourquoi elle est partie. Les deux gamines étaient pourtant proches à l’époque. Capucine aurait aimé que sa sœur lui confie son mal-être, lui explique ce désir d’aller voir cet « ailleurs ». Au fond, la brune commence à douter. Et si Nalah n’avait jamais éprouvé le moindre sentiment pour elle ? Cette idée lui effleure encore l’esprit malgré ses tentatives pour la repousser. Pourquoi aurait-elle agi de la sorte ? Capucine ne peut y croire mais son cœur reste meurtri malgré les années. Pourtant, elle fait face et son sourire est devenu plus sincère. Même si l’ombre de sa sœur plane encore derrière elle, la brune préfère se concentrer sur elle, son avenir, ses désirs. Pourquoi s’acharner pour une sœur qui a décidé de nous fuir ? Pourquoi se bouffer la vie pour quelqu’un qui ne semble pas vouloir réapparaitre ? Capucine vit pour elle, même si, souvent, le soir en se couchant, elle se demande où pourrait être Nalah. Elle repense aussi aux quelques mots écrits par sa sœur. « Dis à Capu que j’l’aime ». Lorsque son beau-père lui avait fait lire, la petite brune avait crié qu’elle ne la croyait pas, qu’elle ne serait pas partie si elle l’aimait vraiment, si elle les aimait vraiment. Mais à quatorze ans à peine, elle ne pensait pas réellement ce qu’elle disait. Elle était triste et déçue. Elle avait tant espéré que ce départ ne soit pas définitif. Pourtant, Nalah n’est toujours pas rentrée. Aujourd’hui, Capucine ne veut plus savoir ce qu’il y a dans les mails. « Ne m’en parle plus, ne me dis rien d’elle sauf si elle annonce son retour » avait-elle dit à son beau-père quelques années auparavant. Toujours rien. Son père ne lui parle plus de Nalah. Elle ne reviendra pas. Elle le sait.

Capucine vient d’avoir vingt-deux ans et elle est heureuse. Lorsqu’elle ne pense pas à sa sœur, la jeune femme sourit à la vie. Ses études lui plaisent, ses amis l’aiment. Sans eux, elle ne serait pas là aujourd’hui. Ils sont son échappatoire, ses remplaçants. Oui, parce qu’autant être franc, Capucine a besoin de l’affection que Nalah lui offrait par le passé. Aujourd’hui, ils sont plusieurs à lui donner. Un petit groupe d’amis soudés qui s’éclate en cours, qui sort et qui rit. Capucine rêve secrètement de devenir une grande actrice. Une star du grand ou du petit écran, qu’importe, elle aimerait réellement faire partie de ce monde. Elle suit des cours dans une école d’art et donne tout ce qu’elle a pour réussir. Si ça ne marche pas, elle voudrait devenir professeur dans cette école. Théâtre ou danse… Théâtre évidemment. Elle aime tellement cette matière. Sur scène, lorsqu’elle joue, elle se sent bien. Libre. Une envie de se dépasser, de voir plus loin que son petit quotidien. Dédoubler sa personnalité, devenir quelqu’un d’autre le temps d’un instant. D’une scène, une réplique. Ses professeurs sont fiers d’elle. Capucine serait réellement douée d’après eux. Son travail n’est donc pas inutile. Peut-être aura-t-elle un jour la reconnaissance qu'elle désire. Les seules grandes choses qu’elle ait pu faire sont des pièces et court métrages au sein de son école. Ses parents sont fiers également. Mais Capucine aime aussi aller découvrir d’autres horizons. Plus professionnels. Elle a déjà fait quelques petits castings, mais rien de très important pour le moment. De petites apparitions, des figurations. Elle a aimé ces expériences mais préfère s’améliorer encore et finir son cursus avant de se lancer dans le grand bain. Pièces de théâtres, films, séries télévision. Elle rêve un jour d’être à la place de cette comédienne, tellement douée qu’elle peut faire pleurer et rire son public en une fraction de seconde, de cette actrice que tout le monde adulte, qui remporte des prix. Oui, elle veut l’être. Et Capucine croit en ses rêves. Elle veut y arriver. Et elle y arrivera.