12 février 1987, Florence, Italie.

Ma très chère fille,
Te voici enfin dans mes bras. Tu es si petite, à vrai dire, que tu tiens dans une seule de mes mains. Je ne peux expliquer la joie qui vient de frapper mon cœur depuis que ta petite main s’est accrochée à mon indexe pour ne plus le lâcher. Mais pourtant mon cœur est bien triste. J’ai du mal à comprendre comment tu es si pleine de vie alors que ta maman vient de s’éteindre. Mais je ne veux surtout pas que tu pense que c’est ta faute, parce que tu es la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée à ce jour. Quelle sensation bizarre que de pleurer de joie et de tristesse en même temps. Mais je n’ai pas le droit d’être triste, je dois être fort pour toi, pour que tu puisses recevoir deux fois plus d’amour de ma part. Léna Yasmeen, je promets de te protéger toute ma vie.

02 décembre 1990, Florence, Italie.
Ma petite princesse,
Je te regarde grandir et lentement t’approprier les mêmes traits que ta maman. Tu lui ressemble tellement. Aucune femme à part toi n’a pu prendre sa place, mais je n’arrive pas à être heureux ici. Je sais que tu t’épanouie pleinement ici, en Italie. Tu as de belles vacances à la campagne avec tes grands-parents, tu es heureuse, mais chaque pas que je fais ici me rappelle ta maman. Nous allons partir, ma fille, loin d’ici. Et je te promets que là-bas aussi tu seras heureuse, d’accord ? J’ai entendu parler d’une petite ville bien chaleureuse au sud de la Louisiane, je suis sur que tu t’y plairais. Et si nous tentions ce rêve américain ?




12 février 2003, Eden Isle, Amérique.

Ma douce Léna,
Je suis si fière de toi. Tu tiens tout à fait de ta mère : toujours à vouloir aider les autres, à vouloir conseiller et parler aux gens (tu parles un peu trop si tu veux mon avis), et surtout, toujours à rire comme si la vie n’était qu’une grosse blague. J’aime ta joie de vivre, je ne pourrais jamais assez remercier ta maman de te l’avoir transmise. Dommage qu’elle t’ait aussi transmise sa maladresse, parce que à force bientôt on aura plus de vaisselle et l’assurance ne voudra plus couvrir tes frais d’hôpital… Mais je me fais du souci, que t’arrive-t-il ? Je te vois moins, tu passe ton temps avec tes amis et ces garçons que je ne connais même pas. Tu ne pense qu’à t’amuser et en oublis même tes études. « La crise d’adolescence », m’avait-on dit. Mais je sais que tu n’es pas ce genre de fille. J’ai l’impression qu’on t’a fait du mal. Qui a bien pu te faire du mal ?


Léna glissa le bout de ses doigts sur ce papier abîmé et légèrement jaunit par le temps. Comme à chaque fois qu’elle relisait ces lettres, son cœur se pinça douloureusement dans sa poitrine. Celle-ci avait été la dernière avant que son père ne meurt. On l’avait simplement retrouvé inanimé dans son lit un dimanche matin. Les diagnostiques n’avaient rien signalé, mais Léna savait très bien que son père avait finit par mourir de tristesse : il ne s’était jamais remit de la mort de sa mère. Un long soupire passa la barrière de ses lèvres. Si seulement il savait. Ce n’est pas qu’elle avait eu le cœur brisé, c’est qu’elle commençait doucement à se sentir tellement coupable du chagrin de son père, qu’elle n’arrivait plus à le regarder dans les yeux. Quand il mourut, tout bascula dans sa vie. Elle entra dans une période bien sombre, tout autant que l’était son pauvre petit cœur. Les études n’étaient plus sa priorité depuis longtemps, elle préférait de loin passer son temps à vagabonder ici et ailleurs et à s’amuser. Mais cette période, heureusement ne dura pas bien longtemps : tous justes 2 ans. Le temps qu’il lui fallut, en fait pour trouver sa vraie vocation.


Yasmeen voulait aider les gens. Les gens tristes comme son père, les gens qui ne pouvaient s’en sortir seul. Mais le métier de psychologue ne l’intéressait pas. A 17 ans elle s’engagea dans ses premières actions de bénévolat. Mais elle voulait plus, toujours plus. Elle voulait se sentir utile. Elle n’avait pas l’impression de pouvoir l’être dans cette petite ville où tout le monde se connaissait et où la seule chose utile qu’elle pouvait faire était d’aider sa vieille voisine à porter ses courses ou le vieux d’en face à changer son ampoule. Elle pensait déjà à partir depuis un moment, mais n’en avait pas le courage. Puis un jour elle rencontra Noah, son Noah à elle. Son premier amour. Elle était bien jeune, toujours sur ses 17 ans, en fait. Un regard, un sourire, un coup de foudre. Un an d’amour passionné, aussi passionné que pouvait le leur permettre leur jeune âge. Mais comment régir quand on apprend que son premier amour couche en fait depuis des moi avec celle qui ose se prétendre votre meilleure amie ? Le jour où Léna apprit ça, elle eut enfin le courage de partir après l’obtention de son diplôme de fin d’année.


C’est ainsi qu’elle partit à l’aventure et pu visiter 4 pays fantastiques mais bien tristes car très pauvres : Haïti, le Bangladesh, l’Argentine et le Mali. Là-bas elle servit différentes ONG qui avaient besoin de main d’œuvre pas forcément qualifiée. Mais cette vie n’était pas faite pour elle. Voir autant de misère autour d’elle la minait et elle se sentait encore plus faible de savoir qu’elle ne pouvait au final pas faire grand-chose pour les aider. C’est ainsi qu’un an plus tard elle décida de retourner à Eden Isle et de se trouver son propre appartement dans la périphérie de la ville. Elle reprit contact avec ses amis, ces même amis qui lui constellèrent de commencer à faire des études. Longtemps elle chercha ce qui pouvait lui convenir. « C’est pourtant évident, tu devrais être dans le social ou dans l’éducation, t’aime tellement faire la morale des gens et t’occuper de leur vie ! » Pas faux. Elle se lança alors dans des études d’éducateur spécialisé, et elle adorât ça. Surtout la vie d’étudiante, à vraie dire. Elle avait l’impression que les étudiants passaient plus de temps à s’envoyer en l’air (que ce soit par des substances illicites ou simplement par le sexe) qu’à penser à leurs examens. Ce qu’elle fit d’ailleurs aussi, souhaitant profiter de la vie, tout en restant dans des limites respectables. Elle savait s’amuser, adorait sortir, mais voulait vraiment réussir ses études, ne serait-ce que pour prouver à son père, là haut, qu’elle restait quelqu’un de bien au final.

Après les études vint la vie active. Elle avait déjà eu l’occasion de travailler avec toute sorte de jeune ou même adultes à problèmes, des femmes battues, et bien d’autre. En ce moment elle travaillait dans un centre aéré pour jeunes de 15 à 18 ans. Tous els éducateurs avaient à peu près son âge, et il ne fallut pas longtemps avant qu’elle ne se fasse aborder par l’un d’entre eux, qui aussi étonnant soit-il se fit royalement remballer. Léna était gentil, adorable, attachante. Elle souriait tout le temps, rigolait pour un rien, aimait plaisanter et avait ce dont de communiquer son sourire à tout le monde, mais dès que quelqu’un essayait d’entrer dans son cœur, elle se renfrognait et pouvait se transformer en quelqu’un de méconnaissable. Si elle aimait écouter les autres et être présente pour eux, elle ne pouvait pour sa part se résoudre à laisser quiconque entrer dans son cœur et ne faisait pas facilement confiance aux gens. Enfin, jusqu’au jour où elle rencontre Izalys…